Ce nouveau volume des "Classiques en images" propose de renouer avec la tradition du poème court japonais à travers une sélection de 60 haïkus de Genshi, Kikaku, Bashô, Issa, Shôha, Buson, Yorie, Shiki, Jôsô, Hashimoto... exclusivement consacrés au monde animal.
Ce recueil célèbre avec poésie, fantaisie et respect autant les animaux qui accompagnent le quotidien (chien, chat, poule...) que les bêtes sauvages surprises dans un coin de nature (libellule, sauterelle, grenouille...).
Une farandole tsigane pour dire le jaune du soleil, le noir des camps nazis et le rouge de la vie Ceija Stojka disait : "Nous sommes un peuple qui dans le désespoir sait danser et chanter." Et c'est bien dans un tourbillon de couleurs, de lumière et de rires que commence cette histoire. Avec le goût de la pluie sur les lèvres, le vent dans les cheveux et les herbes folles en farandole tsigane. Mais vient la nuit des camps, celle des barbelés et du pouvoir d'un tout petit homme raciste.
Après Auschwitz, après la peur, resurgit le soleil pour dire oui à la vie. Respirer profondément, tendre les poings vers le ciel et rester unis, parce qu'on est plus forts quand on chante tous ensemble. Jouer à cloche-pied avec des listes de mots, pour conjurer le malheur et s'ouvrir au bonheur. La petite-fille est devenue arrière-arrière-grand-mère, mais chez les Roms, le voyage n'est jamais fini.
Jalâl al-din Mohammad Balkhi, dit Rûmî, (1207-1273) est avec Khayyâm et Hâfez un des plus grands poètes de la littérature persane et sans aucun doute une des plus grandes voix de la poésie mystique universelle. Dès l'âge de vingt-quatre ans il prend la suite de son père surnommé le "sultan des savants "et devient un maître spirituel respecté et admiré de tous suivi par des centaines de disciples. S'il rencontre au cours de ses voyages le poète Attar, l'auteur de la fameuse Conférence des oiseaux, puis le poète et philosophe soufi Ibn Arabi, c'est sa rencontre avec le derviche errant Shams de Tabriz en 1244 qui fait de lui le génial poète mystique que le volume que nous proposons donne à lire. Cette lumière est mon désir offre cent poèmes extraits du Livre de Shams de Tabriz, magnifiquement présentés et traduits par JeanClaude Carrière et Mahin et Nahal Tajadod. Chef d'oeuvre de la poésie mystique, issu certes de l'islam mais transcendant toutes les fois, ce parcours initiatique, danse dans l'ivresse jusqu'à l'extase, célèbre l'amour comme voie de l'absolu.
"Sans vin je suis ivre de mots" dit Rûmî et cette ivresse du coeur et de l'âme a tôt fait de gagner le lecteur .
"Fais couler dans nos veines L'eau de vie de l'amour, Que se traduise en nuit Le miroir de l'aurore.
Ô père de la joie nouvelle, Va dans notre veine de vie, Sois la boule où se voit le monde Et éloigne-toi des deux mondes.
Ma raison, ton gibier, Ta devise: tirer. Prends mon coeur au filet, Pour bien viser ma vie."
Dans Cho^mage monstre, son précédent texte paru à La Contre Allée en 2017, Antoine Mouton s' interrogeait sur la façon dont on pouvait « habiter » un corps que l' on a longtemps pre^te´ a` un emploi, un corps et une langue que l' on a trop longtemps de´serte´s.
Poser proble`me s' inscrit dans la continuite´ de cette réflexion. On y retrouve ce questionnement à propos de la difficulté d' ê tre et d' exister en-dehors des injonctions multiples et normatives du quotidien.
Une journée faite de toutes les questions Il fallait une forme et une langue inventives pour nous convier au doute, au questionnement qui aident à réinterroger notre quotidien.
Le recueil se présente comme une journée et une nuit aux côtés du poète. À suivre le folio, qui donne aussi l' unité à l' ensemble, on remarque que le temps passe.
L' écriture procède par associations d' idées, par glissement sémantique et cherche un retour au sens propre des expressions langagières parfois figées, ou bien encore à redonner aux mots quotidiens une densité que l' usage leur fait perdre.
Les gens, au lieu de me dire « l'amour te retourne comme un gant » déclarent à présent « l'amour te va comme un gant blanc, fait sur mesure », et moi je leur réponds :
« L'amour est une balle unidirectionnelle et notre poitrine un point fixe :
Ce qui détermine le choc, le tremblement, l'effondrement de fondations ou la récupération du jardin, c'est le creux qui accompagne ta main lors de l'impact. »
Battements de tambour représente à bien des égards un cas à part dans la production poétique de Walt Whitman (1819-1892). Plus connu comme l'auteur de Feuilles d'herbe (Leaves of Grass), l'oeuvrephare qu'il remania de 1855 à sa mort, Whitman publia en 1865 deux recueils de poèmes consacrés à la guerre de Sécession. C'est le second de ces deux recueils qui est traduit ici. Publié à quelques semaines d'intervalle du premier, il en intègre les pièces et trahit le souci qu'affiche le poète de réagir de façon adéquate à l'assassinat d'Abraham Lincoln, tout en exprimant un espoir de réconciliation entre les deux camps. Si la plupart devaient finir par rejoindre le corpus de Feuilles d'herbe, les poèmes du présent recueil sont présentés dans leur état initial, mêlés à des pièces de circonstance ou à des textes courts, plus contemplatifs et a priori sans rapport direct avec la guerre.
Battements de tambour donne à voir un poète qui tente de trouver un sens au conflit fratricide national, sans jamais prendre parti. Si l'on retrouve de nombreux traits d'écriture typiquement whitmaniens, on cherchera en vain les audaces stylistiques d'un poème comme « Chant de moi-même » ou comme « Je chante le corps électrique ». Le défi, pour le traducteur, est de rendre une langue qui va des accents dionysiaques de l'enthousiasme belliqueux initial aux langueurs apolliniennes de l'élégie pour atteindre un état d'apaisement relatif (et peut-être un brin artificiel). La présente traduction s'est donc attachée à reproduire les différents registres employés dans le recueil, prenant soin de proposer des équivalents aux différents traits d'écriture employés par un poète soucieux de panser les plaies de son pays. Par exemple, dans l'ultra-célèbre « Ô capitaine ! mon capitaine ! », le traducteur a choisi de conserver les rimes de l'original (évacuées par les traducteurs précédents au profit du seul contenu thématique). L'appareil de notes a été réduit au strict minimum afin de troubler le moins possible la lecture des poèmes.
E. A.
Selon Omar Khayyam cité d'entrée, il faut accepter qu'après nous le monde survivra : « Rien ne manquait au monde quand nous n'étions pas nés / À l'heure de la mort pareil au même sera ! » Le nouvel ouvrage d'Abdellatif Laâbi a tous les aspects d'un livre testamentaire. Son auteur va même jusqu'à parler de mort désirée. Et de partir pour la dernière fois.
Derrière l'ironie amusée, ces « presque riens » concentrent les moments essentiels d'une vie. Ils font de cette publication à la fois un livre bilan et un livre de sagesse. Il s'en dégage une étonnante énergie communicative.
Cet important recueil brasse les grandes questions existentielles. Il retraverse le champ de bataille de la vie, croise les espèces animales disparues, la grande colère des opprimés et la poésie qui toujours fait battre le coeur et rattache à la vie. Puisque si le soleil se couche, c'est qu'il se lève ! Un chant d'espoir malgré tout.
Ce nouveau volume des "Classiques en images" propose de renouer avec la tradition du poème court japonais à travers une sélection de 60 haïkus exclusivement consacrés au monde culinaire.
Ce recueil célèbre avec poésie et raffinement le rapport entretenu avec la nourriture, la boisson, les sensations que procurent le fait de préparer le repas, de boire le saké, de couper un poisson. Il montre que ces manières de boire et de manger relèvent tout autant du nécessaire que du spirituel.
Parmi les auteurs, nous retrouvons : Bashô, Kazué Asakura, Buson, Yûji, Masajo Suzuki, Kikaku, Teijo Nakamura, Takako Hashimoto, Chora...
Ces haïkus sont illustrés par des estampes d'artistes des XVIIIe et XIXe siècles comme Utagawa Kunisada, Kitagawa Utamaro, Torii Kiyonaga, Utagawa Hiroshige...
La fin des années 1970 est difficile pour Leonard Cohen. Deuil de sa mère, séparation d'avec la mère de ses enfants, approche de la cinquantaine. Il opère alors un retour au judaïsme et explore sa relation à l'Éternel, tout en se méfiant de toute religion qui prétendrait à l'exclusivité.
L'écriture des psaumes l'amène à « renoncer à sa petite volonté » pour entrer dans un dessein plus grand, beaucoup plus grand, qui permet une réunification de l'être en réparant ce qui a été brisé. Il se sauve ainsi du désespoir, et souhaite que ses psaumes en fassent autant pour ses lecteurs.
Les psaumes contemporains de Book of Mercy (Livre de la Miséricorde) chantent la plainte humaine et passionnée d'un homme à son Créateur. Ancrés au coeur du monde moderne, ces poèmes résonnent avec une tradition de dévotion plus ancienne, biblique notamment.
C'est une sorte de miracle si l'on a pu exhumer les écrits de Fernando Pessoa, retrouvés dans une malle. Figurant aujourd'hui parmi les écrivains les plus célèbres du xxe siècle, il n'a en effet presque pas été publié de son vivant. Dans ce neuvième et ultime Manifeste incertain, nous assistons à l'éclosion non seulement du poète portugais mais aussi à celle de ses principaux « hétéronymes » - Ricardo Reis, Alvaro de Campos, Alberto Caeiro et Bernardo Soares -, dont il avait soigneusement créé l'oeuvre et la biographie.
Nous le découvrons en Afrique du Sud, durant sa jeunesse, puis à Lisbonne sous les traits d'un modeste employé de bureau. Mais qui donc se cache derrière ce personnage terne et effacé qui n'aura connu qu'un seul amour, platonique et malheureux ?
Quittant le mode biographique, l'auteur nous entraîne ensuite dans ses propres aventures, en Afrique, dans le Sahara, aux États-Unis, en Chine populaire et dans différents pays d'Europe.
Trois parties forment ce Manifeste - Avec Pessoa, L'horizon des événements et Souvenirs -, trois voix distinctes, entre biographie et autobiographie, narration et introspection.
Un choix de poèmes depuis les origines (IIIe s . av. J. -C.) , avec les fragments de Livius Andronicus, jusqu'à Pascal Quignard, auteur en 1976 d' "Inter aerias fagos" . Textes de Plaute, Térence, Cicéron, Lucrèce, Catulle, Virgile, Horace, Tibulle, Properce, Ovide, Sénèque, Lucain, Pétrone, Martial, Stace, Juvénal, Priapées anonymes, choix d'épitaphes ; les poètes païens des IIIe et IVe siècles, dont Ausone et Claudien ; les poètes chrétiens de l'Antiquité et du Moyen Age, Lactance, Hilaire de Poitiers, Ambroise de Milan, Prudence, Sidoine Apollinaire, Boèce, Venance Fortunat, Paul Diacre, Alcuin, Raban Maur, Adalbéron de Laon, Fulbert de Chartres, Pierre le Vénérable, Geoffroy de Monmouth, Alain de Lille, Hélinand de Froidmond ou Thomas d'Aquin ; des hymnes liturgiques, dont le Salve Regina, les poèmes satiriques, moraux ou religieux des Carmina burana, la poésie érotique du Chansonnier de Ripoll ; les poètes de l'humanisme et de la Renaissance, notamment Pétrarque, Boccace, Politien, Erasme, Bembo, l'Arioste, Scaliger ou Giordano Bruno ; les Français Théodore de Bèze ou Joachim Du Bellay ; les Anglais Thomas More ou John Owen ; puis Baudelaire, Rimbaud, Giovanni Pascoli et Pascal Quignard.
Liste non exhaustive.
Elle affirmait ne pas écrire de la poésie moderne mais ses poèmes parlent souvent des préoccupations de notre temps. Elle disait ressembler à une cantatrice antique qui désire chanter mais laissait sourdre cette « eau de l'âme » qu'on appelle les larmes. Elle vivait à Mu¨nster, en Allemagne, mais restait attachée à son pays natal. Archéologue, elle tutoyait des temps immémoriaux mais savait tirer sa joie de l'éphémère. « Sur la flaque d'eau du temps s'était posée un instant une libellule », écrivait-elle... Si je recours au passé pour parler de Huh Su-kyung, c'est qu'elle nous a quittés alors que nous préparions ce livre. « Une mort trop précoce », comme le dit l'un de ses poèmes, tandis que soixante-cinq autres textes, vifs, singuliers et chantants, lui offrent, et nous offrent, un formidable « droit à la survie sur terre ».
Cette anthologie comporte un texte inédit de tous les poètes invités au festival de Sète en juillet. Les quatre Méditerranée qui nous sont familières y sont présentes - celles des pays latins, d'Afrique du Nord, des Balkans, d'Orient - ainsi qu'une cinquième, celle dont l'Histoire a "exporté" la culture dans le monde, dans l'océan Indien, outre-Atlantique ou en Afrique. Plus de quatre-vingt poètes venus de tous les horizons constituent la mosaïque de ce livre voué à la polyphonie des voix et des cultures. Chacun d'eux est édité dans sa langue, à laquelle nous réservons la belle page, et traduit en français. De quoi faire entendre la musique des mots, sans perdre de vue cet incessant tissage du dialogue entre les êtres, les cultures et les langues. Un livre qui ne connaît pas de frontières.
« Naître ici / N'être rien / qu'un pépiement d'oiseau / en cage. » Ces vers par lesquels débute l'un des premiers poèmes du recueil de Nassuf Djailani nous rappellent qu'aucun être humain ne choisit le lieu où il naît sur la terre. Un pays pour les uns. Une île pour les autres. Une prison pour les moins chanceux... Mais la vie rebat les cartes : l'île de l'enfance se met en marche, l'arbre que l'on croyait enraciné voyage, « la mer promet l'ailleurs avec ses horizons tachés d'orange ». Avec le temps, l'enfant que l'on croyait voué à l'insularité et aux grands vents de l'Océan indien devient un citoyen du monde, fier des valeurs métisses qu'il porte en lui et des horizons qu'il déplace par la parole. « 26 lettres pour un sourire » et le poème de la vie, en ligne de mire.
Tout commence dans un ruisseau de montagne, un paysage de roches moussues et de cascades sauvages. Cette eau vive, surgie d'une enfance à l'ombre des talus, court de pages en pages, dévale les pentes et enjambe les océans. L'eau nous emporte dans son voyage imaginaire, gravit les volcans, fait danser pirogues et caravelles, caresse chevelures perlées de rosée et feuillages bruissants, pour finir en une vague qui fait danser l'aurore. À chaque pas, l'oiseau calligraphe, rouge, débusque la lumière. Les mots du poète et les images de l'artiste vibrent dans une résonnance intime.
Ils se marient pour raconter la même tendre histoire :
Celle des enfants de grand vent qui jouent avec le soleil et écoutent le murmure des étoiles. Une chanson de la vie, que les lecteurs entendront longtemps.
Une colombe cruelle au coeur d'éléphant... Un coq qui perd son âme à mesure qu'une brodeuse emprisonne son chant dans le métier à tisser... Un homme qui verdit au gré des paysages qu'il traverse....
La mère de Charlie Chaplin dont on emporte le corps dans une chaussette fine... Des amants assassinés par une perdrix... Cinq dames amoureuses d'un jeune homme soudain changé en papillon... Des étoiles qui clignent des yeux au rythme du télégraphe... Les proses que rassemble cet ouvrage composé de nombreux inédits révèlent un Federico García Lorca que peu de lecteurs connaissent : surréaliste et grinçant, cruel et facétieux, subtilement iconoclaste. Poèmes en prose, contes, nouvelles -, peu importe les classifications. Le poète se joue des traditions et des codes avec la virtuosité d'un toréador des mots.
« Un jour j'ai poussé les portes de l'aube... » Dès les premières pages de Cantique du balbutiement, le poète haïtien affirme, avec des mots de grand vent, qu'il est du pays de son enfance. Les bégaiements du petit jour et le profond de la nuit, la saison des cyclones, les veillées de prières et les prophéties, le corbillard qui passe en fin d'après-midi, « l'eau boueuse du quotidien » et la « migraine carabinée des questionnements », cette grand-mère opiniâtre qui a le don de rafistoler la vie...
Louis-Philippe Dalembert n'en finit pas de dérouler le film haut en couleurs d'une enfance haïtienne. Mais en creux, sur la ligne d'ombre du partage, le poème fait entendre ce que les mots ne disent pas : le départ, la perte, l'absence -, cette « grande muette défiant le monde entier des choses ».
Pourquoi des poétesses (Audre Lorde, Adrienne Rich, Gloria Anzaldúa & Cherríe Moraga, bell hooks, Dorothy Allison, Robin Morgan, Marge Piercy, Alice Walker, Paula Gunn Allen, Rita Mae Brown, etc.) ont-elles été des leadeuses, activistes et théoriciennes, des mouvements féministes aux Etats-Unis dans les années 1970 et 1980 ? Dans une première partie, un essai de la poétesse féministe Jan Clausen, écrit en 1982 au pic du mouvement, propose des pistes de réponse.
Dans une deuxième partie, une anthologie bilingue de poèmes écrits entre 1969 et aujourd'hui montre la pérennité de ce lien entre poésie et féminismes aux Etats-Unis.
Un poète sans poésie se réveille et part à la rencontre de figures humaines qui habitent son île ou sa tête, ou un autre monde qui traverse celui-ci, celui d'élusifs et rapides cafards qui l'accueillent dans leur troupe.
Ce long poème, est à la fois une rêverie surréaliste et en même temps déambulation crue, cruelle et réaliste, qui du rêve passe à la folie et au délire. Poème traversé des multiples voix d'un peuple et d'un pays, Haïti. Il s'inscrit dans la longue tradition surréaliste qui hante la poésie haïtienne. Avec ce texte de Mehdi Étienne Chalmers, le Temps des Cerises continue son exploration de la « jeune » poésie haïtienne, après le Jeu d'Inema
Dans Le corps miroir, la pensée explore à reculons le temps du commencement de l'univers. Cette exploration interroge la possibilité narrative, quand celle-ci est radicalement privée du témoignage d'un sujet. Provoquant une explosion du récit, sorti des gonds du « sujet » narrateur et de l'« objet » narré, Jean-Pierre Faye explore l'hypothèse d'une pensée narrative qui ne calcule ni ne juge, mais se transforme. La pensée narrative pousse le langage en avant des concepts qui la fixent, elle provoque en elle-même une espèce d'ébranlement de l'intelligence, toujours moins figurative, toujours plus dynamique, dont la trace est gardée dans les mots comme le dépôt mobile d'un processus infini de transformation.
« Supprimez le corps de femme et d'homme, il n'y a plus de corps d'univers : il n'y a plus de lever du soleil, ni crépuscule ni aube ne donnent de mesure du temps et l'univers entier cesse de savoir son âge, qui maintenant atteint le chiffre - fictif?? - de treize milliards sept cent mille années. »
Était-il, cet élan, dans l'auto qui virait ?
Ou bien dans le regard, où l'on prit et retint, pour les perdre à nouveau, les baroques figures d'anges qui se dressaient, parmi les campanules, dans la prairie, emplies de souvenirs, avant que le parc du château n'encerclât, clos, la course, et qu'il ne la frôlât, qu'il ne la recouvrît, la relâchant soudain : le portail était là, qui, comme s'il l'avait appelé, désormais contraignait à tourner le long front du bâti, après quoi l'on stoppa. Éclat d'un glissement sur la porte vitrée ; et par son ouverture jaillit un lévrier, qui porta ses flancs creux, comme il en descendait, contre le plat des marches.
C e s o n t c e s « p o èm e s d e l 'o e i l », d e l 'o e i l p o s é s u r l e s c h o s e s e t l e s p a y s a g e s , s u r l e s m o n u m e n t s , s u r l e s s c èn e s d 'i n t ér i e u r , s u r t o u t c e q u i f a i t l e m o n d e s e n s i b l e , q u e n o u s s o u h a i t o n s [ r e ] f a i r e d éc o u v r i r a u l e c t e u r f r a n ça i s , d a n s u n e éd i t i o n b i l i n g u e ( a c t u e l l e m e n t l a s e u l e d i s p o n i b l e s u r l e m a r c h é éd i t o r i a l ) e t d a n s u n e t r a d u c t i o n n o u v e l l e q u i c h e r c h e à r e n d r e , a v e c t o u t e s l e s d i f f i c u l t és d e l 'e n t r e p r i s e , l a b e a u t é d u t e x t e o r i g i n a l .
Peter Gizzi, né en 1959, dans le Michigan, est poète, essayiste, éditeur et professeur de littérature américaine (University of Massachussetts Amherst). Il a publié huit livres de poésie, qui, tous, ont été remarqué par la critique outre-atlantique. Avec le présent recueil, Archeophonics, le troisième que nous publions, après Externationale et Chansons du seuil, nous avons pour ambition de poursuivre, dans le cadre de notre collection La Série Américaine, exclusivement consacrée aux poètes améri- cains, une politique d'auteur pour cette voix contemporaine novatrice.
Archéophonies est un titre qui ne fait pas mystère de son contenu.
Il s'agira de voix (phonies) et il s'agira de choses qui sont sous le sol et qu'on trou- vera si on creuse (archéo) : morts, fantômes, souvenirs d'enfance et d'une langue qui chantait des berceuses aux « rythmes naïfs » (pour citer Rimbaud qu'un des poèmes place en épigraphe). Mais aussi souvenirs d'amours ratées ou d'une ado- lescence parfois compliquée. Dans un des poèmes le narrateur à genoux sur le sol, « dégueu et défoncé », pourrait ressembler comme un frère au poète Peter Gizzi qui a, de son propre aveu, abu- sé de substance dans sa jeunesse. S. B.
Que peut la poésie contre la crise écologique en cours ? Au même titre que quiconque, le poète se sent pressé d'agir. Mais comment ? La catastrophe globale, de par son urgence réelle, impose de ne pas se satisfaire du double écueil de la déploration impuissante et de l'incantation stérile.
Afin d'être à la hauteur de ce défi majeur et inédit dans l'histoire de la littérature, Pierre Vinclair propose de remettre à plat la question de la nature de la poésie et des pouvoirs dont on peut raisonnablement la créditer.
Révélant l'essence sauvage du poème, qui dévoile son affinité fondamentale avec la nature maltraitée, et réinscrivant la poésie dans l'effort chamanique qu'elle avait pour les sociétés dites traditionnelles, il propose dans Agir non agir (détournement de la devise de Scève Souffrir non souffrir) un manifeste pour une poésie fauve et rusée, puissante et collective, à même de contribuer à l'élaboration du nouvel imaginaire dont notre société a aujourd'hui un besoin vital.